Comment évolue l'achat de matériel de sport en ligne en France ?
Le marché français du sport représente environ 75 milliards d'euros en 2025. Dans cet ensemble, la distribution d'articles de sport pèse 16,2 milliards d'euros, dont une part croissante transite désormais par les canaux numériques. Cette évolution n'est pas un simple transfert de chiffre d'affaires du physique vers le digital. Elle redessine en profondeur les comportements d'achat, les attentes des consommateurs et les stratégies des acteurs. Comprendre ces mutations est devenu indispensable pour tout professionnel du secteur.
État des lieux du marché e-commerce sport en France

Les chiffres clés de 2024
L'année 2024 a confirmé la place centrale du digital dans la distribution d'articles de sport. Le e-commerce capte désormais 21,9% des parts de marché du secteur, soit 0,5 point de plus qu'en 2023. Cette progression peut sembler modeste en valeur absolue, mais elle s'inscrit dans une tendance continue depuis près d'une décennie.
Le contraste entre les canaux de vente s'est accentué en fin d'année. En décembre 2024, les ventes en ligne ont progressé de 12,44% tandis que l'activité en magasin reculait de 0,59%. Cette divergence illustre un mouvement de fond : les consommateurs français achètent de plus en plus leur matériel de sport sur internet.
Sur l'ensemble de l'année, le commerce sport a affiché une croissance de 1,7%. Ce chiffre global masque des dynamiques très différentes selon les segments. La chaussure a tiré la croissance avec une progression de 8,5%, portée à la fois par le running et par le phénomène athleisure. Le e-commerce en général a progressé de 8,25%, compensant largement le recul des ventes physiques.
Un marché de 8 milliards d'euros côté consommateurs
Les ménages français ont dépensé 8,05 milliards d'euros en articles de sport en 2024, soit une moyenne de 260 euros par foyer. Ce montant intègre les équipements, les vêtements techniques et les accessoires liés à la pratique sportive.
La répartition de ces dépenses a évolué. Les achats en ligne représentent désormais près d'un quart du total, contre à peine 12% en 2017. Cette progression de 10 points en sept ans traduit une transformation profonde des habitudes de consommation.
Le panier moyen en ligne reste légèrement inférieur à celui observé en magasin, mais l'écart se réduit. Les consommateurs n'hésitent plus à commander des articles techniques ou des équipements coûteux sur internet, notamment lorsqu'ils connaissent déjà le produit ou la marque.
La structure du marché : concentration et diversification
Les grandes surfaces spécialisées (Decathlon, Intersport, Sport 2000, Go Sport) contrôlent environ 60% du marché français des articles de sport. Cette domination s'appuie sur un maillage territorial dense et des stratégies omnicanales de plus en plus abouties.
Les parts de marché par enseigne révèlent la hiérarchie du secteur. Intersport arrive en tête avec 21,9% de parts de marché tous canaux confondus, suivi par Decathlon à 16,4%. Nike se positionne troisième avec 5,4%, illustrant la montée en puissance des marques en vente directe.
Les pure players et plateformes généralistes ont gagné du terrain. Zalando capte 11,8% du marché en ligne des articles de sport. Amazon pèse 2% du marché global, mais sa part progresse régulièrement. Ces acteurs imposent des standards de service (livraison rapide, retours facilités) qui deviennent la norme attendue par les consommateurs.
Les dynamiques qui façonnent le marché

La digitalisation accélérée par la crise sanitaire
La période 2020-2021 a provoqué une accélération brutale de la digitalisation du commerce sportif. Les fermetures de magasins ont contraint les consommateurs à se tourner vers le e-commerce. Beaucoup ont découvert la praticité de l'achat en ligne et conservé cette habitude après la réouverture des points de vente.
Cette accélération a profité différemment aux acteurs du marché. Les enseignes disposant déjà d'une infrastructure e-commerce solide ont capté la demande. Celles qui n'étaient pas prêtes ont subi un double effet : perte de chiffre d'affaires pendant les fermetures et retard structurel ensuite.
Les pure players 100% en ligne, après deux années difficiles en 2022-2023, ont regagné du terrain en 2024. La normalisation post-Covid leur a finalement été favorable, les consommateurs ayant définitivement intégré l'achat en ligne dans leurs pratiques.
Le phénomène athleisure et ses conséquences
Le sportswear n'est plus réservé à la pratique sportive. Près de 54% des consommateurs utilisent des articles initialement conçus pour le sport dans leur vie quotidienne. Ce phénomène, appelé athleisure, touche particulièrement les 16-24 ans dont 31% adoptent ce style vestimentaire au quotidien.
Cette tendance a des implications directes sur les canaux de vente. Les achats mode/lifestyle s'effectuent plus facilement en ligne que les achats techniques nécessitant essai et conseil. Le e-commerce capte naturellement une part croissante de ce segment.
Les marques ont adapté leur offre et leur distribution. Nike, Adidas, Puma développent leurs canaux de vente directe en ligne, captant une marge auparavant partagée avec les distributeurs. Cette verticalisation modifie les équilibres du marché.
L'essor de la seconde main
Le marché de l'occasion sportive connaît une croissance rapide. Vinted, Leboncoin, mais aussi les initiatives des enseignes elles-mêmes (Decathlon Seconde Vie, programmes de reprise) répondent à une double attente : économique et environnementale.
Ce segment échappe largement aux circuits traditionnels de distribution. Les transactions s'effectuent majoritairement en ligne, entre particuliers ou via des plateformes spécialisées. Pour les magasins physiques, c'est une part de marché qui leur échappe structurellement.
La seconde main modifie également le rapport au neuf. Un consommateur qui sait pouvoir revendre son équipement accepte plus facilement d'investir dans du matériel de qualité. Cette logique peut bénéficier aux magasins spécialisés positionnés sur le haut de gamme.
Les objets connectés et la donnée
Le sport connecté transforme la relation entre pratiquants et équipementiers. Montres GPS, capteurs de puissance, applications de suivi : ces outils génèrent des données qui créent de nouvelles interactions.
Les marques utilisent ces données pour affiner leur connaissance client et personnaliser leurs offres. Un coureur équipé d'une montre Garmin reçoit des recommandations de produits basées sur ses performances et son volume d'entraînement. Cette relation directe court-circuite potentiellement le distributeur.
Pour les magasins de sport, les objets connectés représentent à la fois une opportunité (conseil à l'achat, installation, SAV) et une menace (fidélisation directe par la marque, renouvellement en ligne).
Lecture terrain : ce que ces évolutions signifient pour les professionnels

La fréquentation des magasins sous pression
Les données de fréquentation confirment la tendance. Après avoir été la catégorie de commerce la plus performante en 2023, les magasins de sport ont vu leur fréquentation baisser sur 61% de la période étudiée en 2024.
Cette baisse de fréquentation ne se traduit pas mécaniquement par une baisse équivalente du chiffre d'affaires. Le taux de conversion en magasin augmente : les visiteurs sont moins nombreux mais plus intentionnistes. Ils viennent pour finaliser un achat déjà préparé en ligne.
Cette évolution redéfinit le rôle du magasin physique. Moins lieu de découverte, plus lieu de confirmation et de conseil final. Les surfaces commerciales doivent s'adapter à cette nouvelle fonction.
Les marges sous tension
La concurrence en ligne exerce une pression continue sur les prix. Les pure players, avec des structures de coûts allégées, peuvent proposer des tarifs agressifs que les magasins physiques peinent à suivre.
Les produits standardisés (chaussures de running d'entrée de gamme, accessoires basiques) subissent particulièrement cette pression. Sur ces segments, le e-commerce impose ses prix de référence.
Les distributeurs traditionnels compensent par la montée en gamme et les services. Un vélo électrique vendu avec conseil, réglage et garantie SAV justifie un prix supérieur au même modèle commandé en ligne. Cette stratégie fonctionne sur les produits techniques mais suppose des compétences et des équipements que tous les magasins ne possèdent pas.
Les gagnants et les perdants de la transformation
La distribution sport ne subit pas uniformément ces évolutions. Certains profils résistent mieux que d'autres.
Les spécialistes pointus (ski de randonnée, vélo haut de gamme, plongée) conservent leur pertinence. L'expertise technique constitue une barrière que le e-commerce ne franchit pas facilement. Le client qui investit 3000 euros dans un vélo de route carbone veut rencontrer quelqu'un qui comprend ses besoins.
Les généralistes de proximité souffrent davantage. Coincés entre les grandes enseignes (prix, choix) et les pure players (commodité), ils peinent à définir leur proposition de valeur. Sans différenciation claire, ils perdent du terrain.
Les enseignes ayant réussi leur transformation omnicanale tirent leur épingle du jeu. Decathlon, Intersport proposent des parcours fluides entre site web et magasin. Cette cohérence répond aux attentes des consommateurs qui naviguent naturellement entre les canaux.
Perspectives et projections
Croissance modérée mais soutenue
Les projections tablent sur une croissance annuelle de 4 à 4,4% du marché des articles de sport entre 2024 et 2029. Cette dynamique reste supérieure à l'inflation et à la croissance économique générale, confirmant l'attractivité du secteur.
Cette croissance sera inégalement répartie. Le e-commerce devrait continuer à gagner des parts de marché, potentiellement au-delà des 25% à l'horizon 2029. Les segments running, fitness et outdoor tireront particulièrement la demande en ligne.
Le commerce physique ne disparaîtra pas mais poursuivra sa mutation. Les surfaces commerciales diminueront probablement en nombre, les survivantes se transformant en lieux d'expérience et de service plutôt qu'en simples points de vente.
Les tendances à surveiller
Le live shopping émerge comme nouveau canal, particulièrement sur les segments mode et lifestyle sportif. Des influenceurs présentent des produits en direct, permettant aux spectateurs d'acheter instantanément. Ce format séduit les jeunes générations habituées aux réseaux sociaux.
L'intelligence artificielle commence à impacter le parcours d'achat. Recommandations personnalisées, chatbots de conseil, sizing automatisé par photo : ces technologies améliorent l'expérience en ligne et réduisent les freins à l'achat (notamment le risque de mauvaise taille).
La livraison rapide devient un standard. Amazon a imposé la livraison en 24-48 heures comme référence. Les enseignes sportives doivent s'aligner ou proposer des alternatives crédibles (click and collect en quelques heures).
Ce que cela implique pour les acteurs locaux
Les magasins de sport indépendants ne peuvent pas rivaliser avec les géants sur le terrain du prix ou de la logistique. Leur survie passe par une différenciation claire et une présence digitale intelligente.
La spécialisation devient un atout majeur. Un magasin reconnu comme expert sur une discipline attire une clientèle qualifiée que les généralistes ne captent pas. Cette expertise se valorise en ligne à travers du contenu (blog, vidéos, réseaux sociaux) qui génère de la visibilité.
L'omnicanal n'est plus optionnel. Même un petit magasin doit être visible en ligne (Google Business Profile, réseaux sociaux), proposer des informations à jour sur ses produits et services, et faciliter la prise de contact digitale. Cette présence ne remplace pas le magasin mais lui apporte des clients.
Ce qu'il faut retenir
Le marché e-commerce sport en France poursuit sa progression structurelle. Avec près de 22% de parts de marché et une croissance deux fois supérieure à celle des magasins physiques, le digital s'impose comme un canal incontournable.
Cette évolution ne signe pas la fin du commerce physique mais sa transformation. Les magasins qui survivront seront ceux qui auront su se différencier par l'expertise, le service et l'expérience client. Ceux qui resteront de simples points de distribution perdront face aux pure players plus efficaces sur ce terrain.
Pour les professionnels du secteur, comprendre ces dynamiques est la première étape. S'adapter en construisant une présence omnicanale cohérente, en renforçant les services à valeur ajoutée et en capitalisant sur l'expertise terrain constitue le chemin vers la pérennité.